Dans tous les journaux, dans tous les médias, sur toutes les places boursières de France et de Navarre on nous assène une information : "La crise est là, elle touche tout le monde, la Grèce est en ligne de mire, il faut la surveiller". Sortie de l'Euro, plan d'austérité, crise politique autant de termes récurrents qui remplacent les traditionnelles louanges touristiques dans la bouche des journalistes et, plus grave encore, des touristes. Alors forcément, tout ça a largement influé sur l'image du pays et sa communication, un virage à 180 degrés nécessaire et loin d'être sans conséquence.
La Grèce avant 2008 : un petit paradis riche en histoire
Avant "la crise" toute la communication liée à la Grèce se concentrait autour de signes distinctifs liés aux différents atouts du pays. D'un point de vue publicitaire on distinguait deux visions des choses. Une vision de l’extérieur où toute la communication du pays était liée au tourisme, à la mythologie, au drapeau et à la cuisine. Et de l'autre, une vision intérieure ou la communication nationale surfait entre des campagnes internationales stériles et des campagnes locales bien plus typiques et liées à un véritable savoir faire régional.
Vue de l'extérieur donc, la Grèce se vendait comme un paradis touristique. Exactement comme les pays du Maghreb avant les Révolutions Arabes qui misaient eux aussi sur leurs atouts heliotropiques, historiques et culturels. Les campagnes internationales étaient soignées et visaient à nous vendre une destination touristique impeccable sous tous rapports.
A l'aube du tourisme de masse, la Grèce s'impose de suite comme un pays au patrimoine multifacettes :
Le Parthénon, emblématique (Années 60)
La jolie fille sur fond d'histoire (Années 70)
La mer, l'histoire, le soleil
Et la plage
Et presque trois décennies plus tard, on prend les mêmes ingrédients et on mixe le tout avec les nouvelles techniques de création :
La détente
La nature
L'amour
La fête
La liberté
La famille
L'histoire
Les copains qui sautent parce que c'est trop cool les vacances
Le "je fais semblant de chuter du bateau mais je suis beau"
Le "je crois qu'on est perdu" mais version grecque
Et le "Regarde. Une Statue. Impressionnant huh ?"
Même idée pour les spots - 2008
Et 2009
Alors forcément vu d'ici et surtout en hiver, ces campagnes raisonnent particulièrement dans nos esprits et façonnent une image idyllique du pays. Même les campagnes de bien de consommation ou de services, plus ou moins liées à la Grèce, reprennent toutes le même credo.
Les cours de langue liés au drapeau
Le football lié à la mythologie grecque
La gastronomie locale avec drapeau
Le tourisme
Et comble de l'ironie, une banque locale qui fait du patriotique lors de l'Euro 2008
Tous les éléments sont là pour créer une image unilatérale d'un pays où il fait bon vivre, où le soleil est là, les paysages aussi et les futures vacances réussies. D'un point de vue intérieur, les campagnes sont différentes. A côté des affiches classiques et internationales, on retrouve des affiches artisanales, qui collent à l'image d'un pays cultivant un tourisme de proximité, où l'identité grecque est présente et les publicités folkloriques.
Des campagnes locales
L'affiche encore faite à la main
Dentifrice Kolynos
Citronade
Avant la crise, la Grèce renvoie donc l'image d'une contrée ou tout va bien, ou du moins fait croire que tout va bien. Le pays est riche d'atouts variés, les campagnes amplifient cette image de manière continue et sur le très long terme.
2008 à 2012 : quatre années pour balayer des années de communication
Tout le monde connait le topo, dès 2008 la crise arrive et la Grèce se retrouve très vite parmi les pays européens les plus touchés pour finir par devenir le "bouc-émissaire" général. Cité à peu près partout comme le pays de la zone euro le plus critique, la Grèce s'enflamme de l'intérieur, tous les budgets partent dans tous les sens, les réalités économiques et sociales reprennent vite le dessus et la communication est profondément modifiée.
Tout commence dans la presse étrangère. Pour toucher un public toujours plus large, cette dernière n'hésitent pas à utiliser les signes disctinctifs grecs présents dans toutes les communications pour les ré-utiliser à la sauce crise. La majorité des grands titres de presse internationaux ont employé ce procédé.
"Libération" utilise la langue
"The Economist" préfère le sacro-saint Parthénon
L'antiquité et la mythologie
Et même le Marathon y passe
A l'intérieur même du pays, des designers indépendants inondent le web de créations aux messages forts : contre la Drachme, les partis politiques, l'image même de la crise liée à la Grèce...
"Si vous ne votez pas, la Drachme va vous manger"
Critique de la télévision qui encourage les deux partis principaux lors des législatives
Le néant
La crise stylisée
La viande comme bien de necessité
Un pays en sang
Ou le street-art devient langage de tous
Ni une, ni deux, le pays s'est vu forcé de réagir. Devant une perte de près de 15% des revenus nationaux liés au tourisme, le pays n'a pas eu d'autres choix que de créer une campagne qui contre la crise de la plus belle des manières qu'il soit : en l'affrontant de face.
On prend exactement les mêmes ingrédients que dans le passé mais on dégage la crise en l'écrivant noir sur blanc.
"Greek Beauty. Not in crisis"
"Greek sun. Not in crisis"
"Greek Sea. Not in crisis"
Trois affiches qui détonnent et mettent les points sur les i. De jolis affichages bien réalisés qui créent un élan pour contrer l'image de la crise qui ruine celle du pays, à l'image de cette autre campagne :
La version anglaise
"Donnez sa chance à la Grèce"
Alors que penser de toute cette situation ? Evidemment la Grèce pâtit très largement de cette crise qui n'en finit pas et tous les jours cette dernière fait la une des journaux. Le mariage Grèce-Crise est désormais inscrit dans l’inconscient collectif de presque tous les européens voire même à l’échelle mondiale. Ce cocktail détonnant ruine près de 40 années de communication touristique liée au patrimoine, à la culture, à l'héliotropisme et autres richesses culturelles. Tous les clichés et représentations collectives sont détournées pour être ramenées à la crise.
Mais aujourd'hui le pays tend à se réveiller. Même si les communications nationales restent largement liées aux difficultés économiques, les communications internationales amorcent enfin un mouvement pour contrer la crise et modifier l'image de la Grèce. La dernière campagne en est l'exemple parfait et n'est pas sans rappeler l'exemple de tous les pays arabes qui arrivent à se relever des récents troubles pour attirer les touristes. Touristes qui comme pour la Grèce représentent une manne financière de première importance.
On ne peut donc espérer qu'une chose, que la Grèce arrive à se relever et que sa communication aille dans ce sens pour réussir à reconstruire une image loin des soucis économiques et financiers et relever un pays aux très nombreuses autres richesses.
Merci pour cet article si bien illustré
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